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ClassicInfo
— 02 août 2011
par Richard Letawe

Nos comptes-rendus du Festival de Montpellier débuteront cette année par un « rendez-vous de 18h », série de concerts gratuits donnés dans la salle Pasteur du Corum, qui propose une alternance de musique de chambre et de récitals, avec des artistes tels que Giovanni Belluci, le Quatuor Prazak, Gérard Caussé, le Czech Nonet, ou encore Denis Kozukhin… Ce soir, nous entendions le Quatuor Parisii qui jouait en création le Quatuor n°3 du légendaire chef d’orchestre Felix Weingartner, les Cinq pièces Op.5 de Webern, ainsi que le Quatuor de Ravel.

La note de programme n’explique pas les raisons pour lesquelles le Quatuor n°3 de Weingartner a dû attendre que les Parisii s’y intéressent pour être créé. L’œuvre a été composée en guise de cadeau de noces de son auteur à sa seconde épouse Feodora von Dreifus, dont il utilise les premières lettres du prénom pour construire le thème du mouvement initial selon la notation allemande. Des éléments biographiques charmants ne font cependant pas de ce quatuor un chef d’œuvre injustement oublié. Ce quatuor semble inconsistant, avec un premier mouvement aux thèmes émollients, aux harmonies touffues, dans lequel quelques passages jolis mais sans beaucoup de caractère sont reliés par des transitions soporifiques. Le deuxième mouvement fait office de Scherzo

; il montre plus d’énergie, mais l’épisode central est particulièrement plat, et les idées de ce mouvement semblent avoir été couchées sur le papier sans que la réflexion ait été menée à terme, laissant une impression de patchwork. Un final bavard achève de terrasser le peu d’intérêt de cette œuvre bavarde. L’un des chefs les plus importants du début du XXème siècle, Weingartner fut également un compositeur prolifique, mais que ce soit dans la symphonie ou dans la musique de chambre, rien de ce que nous avons entendu de lui jusqu’à présent ne nous a semblé impérissable.

L’opus 5 de Webern a à peine cinq ans de moins que le Quatuor n°3 de Weingartner, mais un monde sépare le post-brahmsisme à bout de souffle du second de la modernité du premier, qui semble à chaque écoute être un peu plus notre contemporain. L’œuvre peut sembler laisser peu de place à l’interprétation, mais les Parisii y impriment leur marque en en donnant une véritable épure, d’une concentration et d’une précision impressionnantes, réalisant un remarquable travail sur les timbres, et sur les attaques, souvent explosives.

De l’avoir entendu par de jeunes formations à de fréquentes reprises ces derniers temps, nous avons avoir atteint un seuil de saturation vis-à-vis du Quatuor de Ravel, mais les Parisii mettent

les pendules à l’heure ce soir. Dans ce quatuor, l’enthousiasme de la jeunesse peut donner de beaux résultats, mais l’expérience d’une formation mûre est irremplaçable. Les Parisii en donnent une version sérieuse, d’une sobriété très étudiée mais qui reste d’apparence naturelle, et qui repose sur une confiance totale en la partition, respectée au plus haut point et jamais sollicitée. Le premier mouvement est pris à un tempo très modéré, mais qui ne donne jamais une impression de lenteur ou d’enlisement tant chaque note, chaque phrasé est habité et nécessaire, et devient l’évidence même. Le Scherzo, trop souvent échevelé, a ici un poids, une densité qui contrastent judicieusement avec la légèreté du trio, qui a la grâce et la fantaisie d’un épisode de ballet. Le délicat troisième mouvement est lui aussi admirable : la conduite du discours est d’une cohérence magistrale, l’équilibre des voix est d’une précision d’orfèvre, chaque solo étant porté par une réelle force de conviction, et la tenue du tempo est irréprochable. Enfin, le dernier mouvement respire et se déploie, tout simplement, à un rythme idéal.

On se serait donc bien passé du fastidieux Quatuor n°3 de Weingartner, mais entendre de tels Webern et Ravel par les Parisii valait largement qu’on s’inflige ce pensum.