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Le Monde
— 08 août 2014
Festival des Grandes Heures de Cluny
Par Pierre Gervasoni

Le sud de la Bourgogne, entre Chalon-sur-Saône et Mâcon, offre deux pistes de découverte aux amateurs de culture ancestrale : le circuit des églises romanes et celui des caves viticoles. A Cluny, un festival de musique a eu la bonne idée de les associer pour servir chaque concert sur un plateau éminemment convivial. La 48e édition des Grandes Heures de Cluny a ainsi permis, mercredi 6 août, d'accéder au programme musical entre deux formes de dégustation. Celle de l'œil en entrant (parcours de l'abbaye médiévale) et celle du palais en sortant (production des Vignerons d'Igé).

Donné dans l'ancien farinier des moines, le concert a aussi été une production d'art à grande échelle. Sa charpente aux allures de coque retournée engendre une acoustique idéale pour la musique de chambre et son péristyle à base de chapiteaux du XIIe siècle semble prédestiné pour accueillir un quatuor. Les quatre fleuves du paradis, les quatre saisons, les quatre premiers tons du chant grégorien… La symbolique s'étend même aux « quatre vents » mais ce sont bien quatre cordes qui entrent en scène avec le quatuor Parisii.

Le premier morceau, l'opus 77 n 2 de Joseph Haydn (1732-1809), constitue le nec plus ultra du quatuor à cordes de l'époque classique. Un modèle d'architecture sonore qui allie le sens du volume et la sensation de transparence. Le quatuor Parisii réalise les objectifs du compositeur à la perfection. Trajectoires

tirées au cordeau, éclairages évolutifs, options ludiques… Tout y est dans une sorte de grandeur abstraite. La musique, rien que la musique.

UN QUATUOR FONDÉ EN 1981

Fondé en 1981, le quatuor Parisii peut s'enorgueillir d'une expérience enviable dans l'approche de Haydn. Au fil du temps, la formation s'est certes renouvelée, mais son style ne s'est pas effiloché avec les changements d'archet. Les membres actuels portent très haut la réputation de l'ensemble. Arnaud Vallin (premier violon) apporte un soin de diamantaire au ciselage des crêtes mélodiques, tandis que Jean-Pierre Martignoni (violoncelle) combine élévation et stabilité à la manière d'une colonne, lisse et puissante. Leurs échanges font merveille dans le chef-d'oeuvre de Haydn.

En retrait (pour des questions de perspective et non d'importance) dans cet opus, Doriane Gable (second violon depuis seulement dix mois) et Dominique Lobet (alto « historique » du groupe) affichent une belle connivence. Leurs qualités personnelles (sobre assurance pour l'une, compagnonnage avisé pour l'autre) sont toutefois davantage exploitées dans le morceau suivant, le Quatuor n° 13 de Jean-Guy Bailly (1925-2009).

Ecrite à la fin de sa vie par un compositeur qui a séjourné dans les environs de Cluny, cette partition s'inspire des paysages de l'Aubrac qu'elle restitue en alternant séquences contemplatives

et animations enjouées dans une veine assez originale, quoique un peu systématique.

APRÈS HAYDN, SCHUBERT

Rien de tel avec le célébrissime Quatuor n° 14, La Jeune fille et la Mort, de Franz Schubert donné après l'entracte. Comme pour Haydn, l'approche des Parisii est marquée par la retenue. On l'apprécie, en particulier, dans le second mouvement qui se répand comme une rumeur funèbre. Foin, alors, des individualités ! Les interprètes ne parlent plus que d'une seule voix, qui n'est ni celle de « la jeune fille » (pas d'excès lyrique) ni celle de « la mort » (pas de dramaturgie à outrance), mais celle d'un compositeur enclin à l'introspection.

A l'issue de cet andante d'anthologie, on pourrait croire que la messe est dite. D'ailleurs, la cloche de l'église sonne après le dernier souffle de musique… Pourtant, il y a encore deux mouvements à jouer . Dans ces pages, les Parisii produisent le volume d'un ensemble de chambre. L'occasion pour le public de se mettre déjà à l'heure du dernier concert qui, mercredi 13 août, verra la prestigieuse Camerata de la Philharmonie de Berlin prendre place dans le cloître de l'abbaye. En attendant, le quatuor Parisii revient à Haydn avec, en bis, un extrait du Quatuor Le Cavalier. Peut-être en guise de clin d'oeil aux haras nationaux, qui comptent parmi les sites à visiter à Cluny.